(6) Des Réponses et du Sang

[ereben]

Selene ferma la porte et y appliqua sa paume pendant quelques secondes comme pour dire adieu à cet endroit en une dernière caresse. Puis elle se retourna. Tout le monde l'attendait patiamment, mais tout le monde lui pardonnait en voyant son triste visage. Sauf peut-être Alkerion.

Elle s'avança pour entamer leur route, car elle seule connaissait leur destination. En passant, elle regarda Tyrael pour savoir s'il était prêt pour un tel voyage.

Celui ci répondit avec un sourire forcé. Ses côtes le faisaient souffrir à chaque respiration, mais il tiendrait. Normalement, il ne pouvait rester debout que quelques heures, sous peine de subir des douleurs longues et intense, mais il tiendrait. Pour elle.

Elle lui rendit son sourire. Il souffre mais il ne veut pas me le montrer...


Alkerion les regarda, puis, avec une moue de dédain non caché, il tappa au dos d'Al et lui dit :

"Avance, faquin, ces choses là de femme ne nous regarde pas."

[ereben]

Selene les guida dans une grande avenue qu'ils parcoururent intégralement avant de déboucher sur un immense square. Un piédestal, au beau milieu, devait supporter autrefois une statue. Il n'en restait rien, même les éventuels pieds, sabots ou autres avaient été poncés pour que rien ne subsiste.

"C'est...
- Ce qu'il reste de la statue de Yaman Premier, dit Selene pour compléter la phrase hésitante de Al.
- Alors on est à...
- Sordia... oui."

Devant le silence des deux interlocuteurs, Tyrael laissa éxrpimer sa curiosité. Alkerion lui, resta pensif, les yeux dans le vide, semblant regarder à travers le piédestal.

"Il a du s'en passé des choses dans mon sommeil. Ou est on, et qui est Yaman Premier ?

[ereben]

"Yaman Premier est le tout premier chef des Yamanites... expliqua Selene. Le clan porte d'ailleurs son nom, comme tu le vois. Les Yamanites on déclenché une guerre il y a plus de 30 ans et l'ont perdue il y a environ 7 ans. C'est pour ça que le monde est aussi détruit... Sordia... c'était un peu la capitale des Yamanites... c'est ici qu'ont eu lieu les plus terribles massacres... Sur ce square, 3000 personnes sont mortes en 3 secondes... La rougeur ambiante n'est pas un effet d'optique..."

Un long silence.

[Tyrael]

Tyrael encaissa, et s'apprêta à poser une autre question, lorsque Alkerion le coupa net.

"C'est dans une atmosphère morbide que l'on va donc apprendre à ouvrir des portails, n'est ce pas ?"

Gênée, Selene hésita. "Euh... Non. On ne va pas rester ici. Même si je ne suis pas supersticieuse, on dit que Sordia est maudite.
- Bien. Alors, hâtons nous. Cet endroit me met mal à l'aise."

Il marcha dans le prolongement de leur chemin, solitaire, et ruminant ses pensées. Tyrael maugréa, et ne voulant pas laisser sa faim de curiosité s'apaiser toute seule, il poursuivit :

"Pourquoi y'a t il eu cette guerre ?"

[ereben]

Al prit la parole. Ainsi Selene pourra-t-elle juger sa compréhension.

"Yaman V, le chef des Yamanites, a déclenché la guerre il y a genre 30 ans en voulant integrer un autre clan au sien, ce qui lui aurait permis d'être si puissant que tous les autres n'auraient eu qu'à se plier..."

Il regarda Selene. Elle compléta : "Meylion n'est pas innocent non plus. On ne connait pas tous les détails mais la guerre a commencé discrètement bien avant 1136. C'était entre Maylion et Yaman pour Daima.
- C'est une sorte d'Hélène de Troie, cette Daima en fait...
- Euh..."

[Tyrael]

Alkerion se retourna, arrivé au bout du square. Personne ne l'avait suivit. Il fallait donc qu'ils papotent dans en ce lieu... Avec un long soupir désespéré, il fit marche arrière et revint vers eux.
Un froid s'imposa lorsqu'il arriva. Il posa donc une question,afin d'une part d'arrêter ce froid, et d'autre part, d'étendre sa culture :

"C'est un Talent qui est responsable de ces 3000 morts en trois secondes ?
- Non, Yaman est arrivé et les a tous exterminés en un coup de poing..." ironisa Selene.

Pour une fois, Alkerion ne répondit pas méchament. Meme mieux, il rit.

"J'aimerai qu'il me montre ce prodige alors. Comment ce monde à t'il pu être devasté à ce point ? Une guere ne peut être résponsable de tant de mort. Le camp des vaniqueurs doient bien subsister, quelqu'un doit bien subsister. Enfin, à part vous.
- Le conflit s'est déroulé en deux phases, dit Selene. D'abord l'affrontement entre les deux camps, puis une longue guerre civile qui, malgré ce qu'on dit, n'est pas finie. C'est pour cela que les villes telles que Sordia sont desertes. Trop de souvenirs, trop de blessures... Les Talents utilisés par les Yamanites à la fin de l'affrontement étaient si puissants, et si incertains qu'ils n'ont pas fait que ruiner ce monde... Ils continuent à le faire."

[Tyrael]

Alkerion changea de sujet du tout au tout.

"Vers quel endroit nous emmenez vous ?
- Notre prochaine destination, c'est Palgamine.
- Pourquoi ? demanda Al par pure curiosité.
- Parce que c'est sur notre route.
- En territoire Yamanite ? demanda Tyrael.
- Il n'y a plus de territoire Yamanite, corrigea Selene.
- A qui appartiennent les territoires prédominants ?
- Dans l'absolu, à personne... Sur le papier... je dirai au clan Meylion.
- Ton clan... fit remarquer Al.
- Oui..."

Comme un signal à la tristesse de Selene, le groupe reprit sa marcha à travers la ville détruite. Ils traversèrent une vaste prairie d'herbes hautes. Puis, un vestige de chemin les mena à une ville imposante mais toujours touchée la guerre. Des tours de guets dévastées et branlantes les accueillirent à l'entrée de Palgamine. Tyrael claudiquait de plus en plus. Sa douleur avait du mal à se cacher sur son visage. Alkerion n'en tint pas compte, il s'occupa d'enlever les multiples tiques ayant envahie les rares endroits où sa peau était à nue.

Le premier mur d'enceinte donnait sur la périphérie, le centre étant entouré d'un autre rempart. Selene arrêta la marche.

"On ne va pas plus loin pour le moment" décréta-t-elle.

Tyrael s'arrêta avec joie. Il vit le mur d'enceinte, et marcha pour s'y adosser. Alkerion, lui, regarda les enceintes couvertes de lierres, avec une moue pensive. Il réfléchissait.

Laloune...

[ereben]

Selene s'assit sur un muret en pierre. Derrière elle se tenaient les restes d'une maison incendiée. Al la rejoignit. "Qu'est-il arrivé à cette ville ? Son état est pire que Sordia...
- Non... Sordia est dans le même état. Je vous ai épargné le pire... La banlieue Est de Sordia a été moins touchée. Au Sud-Ouest de la Place Rouge, ça commence à se sentir...
- Oh...
- Néanmoins, cette ville est particulière. Elle n'est tombée au mains d'aucun clan pendant la guerre. La population locale l'a défendue contre chacun des clans avec la même ferveur jusqu'à ce que les Yamanites décident... d'y mettre fin."

[Tyrael]

Alkerion, tiré de ses pensées, s'approcha de Selene. Il se joignit à la conversation.

"A vous entendre, les Yamanites sont responsables de tout les méfaits d'ici bas. Qu'en est il des atrocités perpétré par les autres peuples ?
- Non, je vous l'ai dit, Meylion n'est pas totalement innocent non-plus. D'ailleurs il n'a pas levé le petit doigt ici alors que les Lamonites pouvaient tout éviter à coup sûr..."
- Comment ?
- Les Lamonites, répondit Al, avaient développé le type de magie diamétralement opposé à celle des Yamanites. En gros ils avaient un anti-sort capable de contrer chacun des sort Yamanites, quoi..."

Alkerion resta pensif.

"Les adeptes des Talents défensifs... Ils devaient avoir leurs raisons.
- C'est plus par... esprit pionnier, je dirai... nuança Selene.

[Tyrael]

Alkeron acquiesca, et partit s'asseoir sur un bloc de pierre. D'un air amusé, il regarda Tyrael geindre et se tremousser. Puis d'un air plus serieux, reporta son regard vers Selene.

"Lorsque notre formation à ce Talent sera terminé, retournerons nous dans nos mondes respectifs ?"

Selene ne répondit rien. Elle baissa la tête et regarda le sol où les débris de toute sorte s'enchevêtraient encore, recouverts çà et là de racines quelconques.

"D'accord... dit-elle. D'accord, d'accord. S'il vous plaît, écoutez." Elle attendit que tout le monde ait son attention.

Avec un air mi figue, mi raisin, Alkerion l'écouta. Tyrael se rapprocha d'un pas boitillant. Il s'adossa cette fois à la même pierre où était assis Alkerion.

"Je n'ai pas l'intention de vous amener au clan. Une fois que j'ai eu la maitrise nécessaire, je vous ai fait venir pour... pour mon ambition personnelle. Je dois vous avouer que vous n'auriez pas eu le choix. Seulement personne ne sait où je suis, personne ne sait qui vous êtes..."

[Tyrael]

Tyrael en restait abasourdi. Il demanda d'une voix peu confiante :

"Cela veut il dire que l'on ne va pas rentrer chez nous ?"

Alkerion ne laissa pas le loisir à Selene de répondre. D'un bond, il se leva, et marcha d'un pas rapide et lourds vers elle. Son visage exprimait une colère contenue.

"Alors comme ça, c'est que pour votre intérêt personnel !»

Mais Alonaël se manifesta... "Du calme, Kery... dit-il en mettant son bras entre eux. On ne sait même pas ce qu'elle veut... D'ailleurs on aimerait bien le savoir...!
- Je... Il faut que vous reprtiez dans vos mondes en vous souvenant de celui-ci... Que vous racontiez votre histoire. Si ce monde est oublié, il court à sa perte...
- Pourquoi nous ? demanda alors Al.
- Je n'avais pas le choix. Vous étiez prévus pour la formation, mais je ne vous ai pas amené au clan. Je vous ai pris vous parmi d'autres parce que... ben, Kery... parce qu'il est fort... Il fallait bien quelqu'un qui puisse relativement nous défendre... Tyrael... pour sa fidélité... Je savais que... enfin bref.
- Et moi...?
- Toi... Toi c'est pour te parler de ton fils..."

Quelque peu abasourdi, Alonaël ne put sortir aucun mot de sa bouche.

"C'est moi qui l'avais fait venir... Car le clan ne forme que des apprentis Maîtres d'un très jeune âge. Ton fils était parfait. Doué, intelligent, il avait tout pour devenir un Maître Passeur. Mais...
- Mais quoi...? pressa Al, plus affligé qu'en colère.
- Il était tellement... malheureux. Il était déjà trop mature quand nous l'avons pris, en fait. Il vous réclamait, ainsi que votre mère et malgré son talent, un Passeur qu'on ne peut motiver n'est d'aucune utilité au clan... Alors comme je l'avais fait venir, j'ai reçu l'ordre de... de les en débarrasser..."

Al se leva et lui fit face. "Et... je suppose que c'est ce que tu as fait, dit-il alors que la colère commençait à venir à l'idée de ce qu'elle aurait pu faire à son fils.
- En quelque sorte...
- Est-ce qu'il est vivant ?
- C'est comme s'il ne l'était pas..."

Au fur et à mesure qu'elle en parlait, elle sombrait dans un gouffre de tristesse mêlant culpabilité, compassion et sa mélancolie propre. Elle ne les avait pas regardé depuis qu'elle avait commencé son explication.

"Qu'est-ce que tu veux dire ? Explique ! s'impatientait Al, larmoyant.
- Je ne l'ai pas tué comme Meylion m'avait dit de faire... Je... je voulais le renvoyer. Donc je suis partie avec Tyr et Kery et quand j'ai pu, j'ai ouvert un passage vers ton jardin... Seulement, d'après ce que j'ai compris, tu avais attendu des années pour qu'une telle chose se produise et tu t'es précipité dedans en même temps que lui. Tu n'aurais pas dû... Il ne peut y avoir qu'une seule personne simultanément dans un passage. Alors... théoriquement... enfin empiriquement, on dit que le premier arrivé dans le passage passe... Le deuxième... Personne ne le sait vraiment. Mais on ne les revoit jamais. Jamais ; il n'y a strictement aucun moyen de savoir où ils sont ; si toutefois ils sont... "quelque part"... Vous deux, dit-elle en montrant Tyrael et Alkerion, vous étiez témoins de la scène."

[Tyrael]

Tyrael détourna le regard d'Alonael, gêné et honteux. Alkerion lui, tint face. Mais pas à la même personne.

"Tu nous avais strictement rien dit à leur sujet ! Tu nous manipules tel des pions sur un échequier depuis le début. Tu te contre carre de nos point de vue, de nos envies et de tout le reste. Il n'y a que ta propre personne qui compte à tes yeux ! Ose avouer le contraire ! Ose le !"

Sa rage dépassait la maîtrise assez faible qu'il put avoir. Libéré du bras d'Alonaël, il s'avança encore plus vers elle, la considérant comme le point G de tous leurs problèmes. Il ne lui laissa plus le temps de parler.

"Et maintenant, tu nous rends responsable de tes propres actes abjects et irréfléchis alors que l'on en avait même pas conscience ? Tu as déjà dépassé nombres de mes limites. De nos limites. Et je connais un bon moyen de t'éviter d'en dépasser une nouvelle fois."

Son corps vibra de l'intérieur. Puis s'ensuivit une douce chaleur émanant de tout son être. Il retira ses gants, à quelques mètres de Selene.

[ereben]

"Kery..." dit-elle, apeurée, cette fois-ci.

Voyant les mains d'Alkerion, elle déduit rapidement qu'il avait dû tenter des choses incroyables avec ses Talents. Elles avaient subi des déformation superficielles mais tellement flagrantes... La peau était bien plus plissée qu'elle ne devrait, d'une manière qui pouvait évoquer la vieillesse du tissus. C'était comme si dès lors, sa peau ne s'était plus renouvelée et ce depuis des années. Mais quelque chose de plus, une nuance indescriptible, permettait de distinguer ce que ses mains avaient subi.

"Kery, attends, je..."

Tyrael intervint et le frappa en pleine tête à l'aide d'une lourde pierre. Akerion tomba comme une masse au pied de Selene, et par la foulée et l'épuisement, Tyr le rejoignit. Ces deux amis formaient à present un entrelacs de bras et de jambes. La tête d'Alkerion était humide de sang.

[ereben]

Selene descendit de son muret et s'accroupit au dessus de leurs têtes.

"Kery, je ne vous rends responsables de rien... Je vous ai bien embarqué dans mon exil. Je ne vous mentirai pas, nous n'avons pas intérêt à croiser des gens du clan. Mais d'un autre côté...
- Elle vous a sauvés..." murmura Al de son côté.

Une vois étouffé s'éleva du monticule.

"Al...De quel coté es tu ?"

Le corps de Tyrael se leva, puis bascula sous une poussé vive et forte d'Alkerion. Celui ci, encore à quatre pattes, se massa le crâne d'une main. Il s'assit en tailleur et regarda le sang sur sa main avec une grimace.

[ereben]

"Je ne suis pas du côté de qui que ce soit... Ici, personne n'a tort. Soyons logique, elle s'est rebellée, elle nous a choisi pour l'accompagner. Où est le mal... ? Sa seule faute est... d'avoir été négligente quand mon fils...
- Merci, Al...
- Pas de quoi. Je t'en voudrais toute ma vie. Mais il n'y avait rien de mal intentionné quand tu l'as envoyé dans le néant. Affaire classée." décréta-t-il alors que ses yeux délivraient encore un flot continu.

Loin de consoler Selene, cela lui retira un poids, celui de l'angoisse. Il n'allait finalement pas chercher à le venger. Un hyper-rationnel...
Alkerion ravala sa fureur en même temps que sa douleur. Le coup résonait encore dans sa tête. Un mal de crane carabiné allait l'atendre ce soir. Et tout ça à cause de Tyrael et de l'autre. Il posa son regard sur le corps endormi de son ami. Puis il rit de bon coeur.

"Vos... Vos amants sont toujours aussi dangereux !"

Selene ne put retenir un rire. "Kery... dit-elle en touchant sa joue. J'ai bien fait de te prendre." Puis, la gravité la reprit: "Encore une fois... je suis désolée de vous embarquer dans mon insurrection personnelle. Mais... les raisons sont évidentes."

Sa joie, aussi brève soit elle, fit place à un ton sérieux et serein.

"Ce que je regrette, c'est que vous nous imposez vos choix, comme un chef dicte ses ordres à son infanterie. A vous entendre, nous n'avons aucun choix sur la suite des événements, nous devons vous suivre, aveuglement. Je n'ai pas étais habitué ainsi. Et je ne le serai jamais. Je ne suis pas un simple pion, je suis bien plus que ça. Respectez le ou assumez les conséquences que vous entraînerez."

Il se releva sans l'aide d'Alonaël, encore dans ses pensées. Une fois debout, il tituba légèrement à cause du choc récemment subit, mais tint tout de même bon. Il refaisait face à Selene, mais sans autre envie que de l'entendre répondre à sa courte exigence.

[ereben]

Toujours accroupie, elle ne prit pas la peine de se relever.

"Ce n'est pas moi qui décide que vous me suivez. C'est vous qui n'avez pas vraiment d'autre alternative. Vous auriez peut-être préféré que je vous laisse au clan, je serais partie et un autre passeur se serait occupé de votre cas..."

Sur ce coup, elle se targuait d'être plus visionnaire qu'Alkerion. En plus de son affliction, elle se prennait à être légèrement contrariée par ce qui, suivant cette logique, pouvait être considéré comme de l'ingratitude. Se relevant, elle tenta de se rattraper:

"Je ne vous demande pas de me comprendre. Faites-moi juste confiance. Je ne peux pas ouvrir de passage comme ça, il me faut être à un endroit spécial dans des conditions spécifiques. Nous y serons demain ou après demain si tout se passe bien..."

Alkerion ne bougea plus, ne dit plus un mot. Son regard était plongé dans le sien. Il la jaugeait. Après quelques minutes de silence pesant, il remit ses gants sans la quitter du regard. Son visage ne laissait paraître aucune expression. Il se baissa alors vers Tyrael et tenta de le réveiller. En vain, il n'arrivait à obtenir que des gémissements plaintifs et fatigués. Il le prit sur le dos, comme on aurait prit une biche morte, et se tourna vers Selene sans un mot.

[ereben]

Elle sourit. "Venez, on ne doit pas monter par ici. C'est pour ça et pour... lui, que j'ai arrêté notre marche."

Elle emprunta une rue perpendiculaire à la grande avenue pentue qu'ils avaient monté jusqu'ici.
Dans cette périphérie de ville devait vivre les gens pauvres et ignorants. Les maisons qu'ils virent par cette rue n’étaient que ruine, mais il était clair qu'ils avaient placé volontairement les quartiers mal famé et pauvre avant le coeur de la ville. Une sorte de deuxième rempart humain. L'idée avait du bon dans plusieurs sens. Alkerion sourit. Le poids de Tyrael n'était pas une contrainte en soi. Ce qui le gênait fut qu'il ne pouvait bénéficier de tout ses sens pour repérer ou voir quoi que ce soit de dangereux. De plus, en cas de combat, il serait obligé de laisser le corps de Tyr pour se battre. Peut être qu'Alonaël restera pour le protéger de manière plus proche. Ils continuèrent cependant d'avancer vers le centre de la ville alors que le jour commençait doucement à décliner.

[ereben]

Habituellement, savait Selene, les bandits profitaient de la porte Nord-Ouest de Palgamine, particulièrement adaptée aux embuscades, pour piller les passants. C'est pourquoi Selene décida de prendre la porte Orientale. Mauvais calcul cependant car, une fois passée la porte, une bande de brigands les encercla avec leurs mines satisfaites...

"Oh, non... dit Selene désemparée... Ecoute, Kery... je suis vraiment désolée, mais..." dit-elle en désignant les assaillants avec un air confus...

Un sourire glacial et carnassier orna son visage. Il laissa retomber le corps de Tyrael sans douceur. Un choc mat, comme un affront à cette ambiance prenante, liquéfiante et morbide. Ce même sourire, ce même désir.

"Ne bougez pas." Dit il simplement en un murmure. Puis il ferma les yeux et se concentra.

La troupe d'une quinzaine de brigands resserra leur étau sur le groupe, d'apparence sans défense. La victoire leur semblait élémentaire, logique. Plusieurs tueurs rangèrent même leurs armes, confiant sur leurs archers et la peur qu'ils irradiaient. Un des hommes pensa déjà à violer la femme. Sûrement leur chef. Il fut le premier à lever l'arme vers Alkerion, encore entrain de se concentrer, et s'apprêta à abattre l'arme sur la première menace potentielle. Les autres, en retrait, le regardaient faire avec un air amusé. Presque trop facile pensa un des tueurs, beaucoup trop facile.

La lame se leva au dessus de la tête d'Alkerion lorsqu'un hurlement a glacer le sang survint d'un bâtiment dans la ville intérieur. Puis un bruit lourd et mat. Les tueurs réfléchirent, et plusieurs se demandèrent si un de leurs archers n'étaient pas tombé, par accident. Leur capitaine, resta un moment indécit, la lame toujours levée. Alkerion sourit. Sa voix, autrefois assez caverneuse et grave, devint double, comme un écho, avec un ton d'outre-tombe.

"Mhm... Sa tête est encore ancrée dans le sol de la place Saint Martin. Ca fait...tache"

D'un geste rapide, il envoya son coude dans les cotes de l'homme. Un bruit sourd de craquement lorsque son coude entra dans le thorax du capitaine. Sa lame tomba, sa bouche se mit à régurgiter un liquide épais et visqueux. Les autres brigands ressortirent tous leurs lames, parés au combat. Incertain, la plupart reculèrent doucement, lentement. Un des guerriers hurla le commandement de tirer à flot. Alkerion leva les mains et plusieurs autres cris suivirent à son ordre. Et toujours les bruits mats mettant fin à ces plaintes inutiles.

"Taches..."

Comme dans une danse rapide et svelte, Alkerion tendit les mains vers des hommes, puis les ramenèrent vers lui, et fit des signes incompréhensible, tellement sa rapidité fut troublante. Un homme hurla, embrasé par une flamme sortit de nulle part. Son corps courut dans toute la rue avec toujours ces hurlements sans fin. Dieu qu'il aimait cette musique. Et c'est alors qu'il commença le bal. Les hommes voltigèrent contre les murs, les fenêtres, les portes. Comme des pantins contrôlé par un fou atteint par la maladie de Parkinson, ils ne suivirent aucune trajectoire logique, se contentant de percuter le plus de murs et d'objets similaires. Bientôt, il pleuvait du sang. Et Alkerion dansait parmis ces hurlements et ces cris sans fins. Il riait.

[ereben]

Etonnée par la violence de la contre-attaque de Kery, Selene recula par réflexe de quelques pas et faillit trébucher sur Tyrael. Son visage hésita entre un sourire admiratif d'une telle puissance et une expression apeurée par un tel carnage. Des éclaboussures rouges ornaient sa modeste robe blanche.

Al avait regardé le spectacle d'un air inexpressif, ayant à peine une pensée pour ces pauvres bougres. Il n'avait pas bougé durant toute la scène. Alors que Kery s'amusait à se promener parmis ses victimes, il s'assit nonchalamment sur une de ces pierres taillées qui se trouvaient près des portes sur côté de l'avenue.

C'est alors que Tyrael se réveilla. Le coup de pied de Selene dans son ventre, les hurlements, et les éclaboussures de sang eurent raison de son lourd sommeil. Il vit qu'il faisait nuit et il avait froid. Et surtout, il avait mal à la tête et une bosse ressortait. Il se releva avec peine et ne comprit pas où il pouvait être. Du sang formait des fleurs sur son habit jadis blanc. Avait il saigné autant ? Il n'en avait aucun souvenir. Il releva la tête de ses habits et vit Selene.

[ereben]

Elle le regarda brièvement puis s'avança vers Alkerion.

"Merci" lui dit-elle en lui mettant une main sur l'épaule.

Sa voix redevint normale. Il se calmait. Par ce simple contact, il y ressentit tout l'apaisement et les restrictions de la vie humaine. La vie normale.

Essoufflé et visiblement fatigué, il prit la main posée sur son épaule dans la sienne, sans même s'en rendre compte. Il la serra brièvement, et la lâcha en se retournant vers le reste de l'assemblée.

"Il nous faut trouver un lieu calme et où je puisse me reposer.
- Oui, mais ne restons pas ici."

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