(2) Conscience

[ereben]

Ben je me suis endormie... constata Laloune alors qu'elle venait d'ouvrir les yeux. Toute habillée sur ses couvertures, elle ne bougea pas. La journée s'annonçait magnifique: le soleil baignait toute la pièce d'une lumière chaude et claire.

Elle tourna la tête vers Cellion. Il dormait comme un loir, le visage enfoncé dans son oreiller. Devinant qu'il ne devait pas souvent profiter d'un tel confort, si modeste soit-il, elle décida de le laisser terminer lui-même son sommeil. Elle pensait avoir perdu son temps avec lui. Il n'allait manifestement rien lui apporter de conséquent pour enrichir sa maigre panoplie de pauvres indices...

Engourdie, elle se décida à bouger. Elle s'assit sur le côté du lit qui faisait face à son invité. Et son regard s'arrêta sur son cher instrument. Il avait l'air vieux mais néanmoins dans un état parfait, bien que quelque peu poussiéreux. Elle avait pu entendre le son envoutant que Cellion arrivait à en faire sortir et cela attisa une curiosité enfantine. Celle-là même qui la poussa à tendre la main vers le violon pour le parcourir délicatement de ses doigts...

[Tyrael]

La main de Cellion sortit brusquement de sous ses draps et attrapa celle de Laloune, avant qu'elle puisse toucher l'instrument. Les yeux rapidement ouvert, il la regarda avec une expression haineuse.

"Ne refaites jamais ça. Jamais. Est-ce clair ?"

Il l'avait effrayée. Elle ne s'attendait pas à une telle réaction, un tel protectionnisme. C'était parfaitement clair et la tête qu'elle lui faisait en témoignait. Quand il lui concéda sa liberté après un long regard qui voulait tout dire, elle se tint la main, honteuse sans vraiment savoir de quoi il fallait avoir honte.

"Je... je suis désolée..."

Cellion se leva rapidement et promptement, toute trace de fatigue avait disparut, puis regarda le violon. Il n'avait aucune trace. Il soupira, puis la regarda avec colère.

"Et d'ailleurs, qui êtes vous ?"

[ereben]

Cela l'étonna encore plus ; cela l'effraya encore plus. Que lui arrivait-il ? Il semblait totalement déconnecté de la réalité. Elle ne put rien répondre, elle le regardait, stupéfaite, tenant encore bêtement son poignet d'où ne provenait plus aucune douleur...

Se rendant compte de sa position, elle se ressaisit. Elle baissa la tête et fixa sans raison, gênée, éhontée, le parquet près du pied du lit de Cellion qui manifestement ne se rappelait pas d'elle, ni de ce qu'elle avait bien pu lui raconter.

"Vous ne vous souvenez pas..."

Il la dévisagea sans le moindre gêne. Elle lui disait quelque chose... Ne l'avait il pas vu hier ? Ou alors ce fut un autre jour, peut être. Ou un visage dans ses rêves. Elle avait un air de...

"Alkerion... Vous êtes sa fille, n'est ce pas ? Oui... Il a disparu."

Ah ?! Prise au vif, sa peine s'effaça d'un trait. Elle retrouva instantanément le sourire et, s'agitant brièvement sur son lit: "Alors vous vous souvenez !"

[Tyrael]

"Je suis désolé, jeune fille. Ma mémoire me fait parfois défaut lorsque je... Bref, cela ne vous regarde nullement. Cela fait deux semaines..."

Il se frotta les yeux. Puis reporta son regard sur la jeune fille.

"Il a disparu suite à une embuscade, n'est ce pas ? Elle n'est pas de moi. Mais je crois que je pourrai vous aider. J'aimerai bien le revoir, moi aussi."

Contente, Laloune se tint droite avec un sourire satisfait avant de se mettre debout. Soudainement dynamique, elle attrapa son fourreau d'un geste ample et se glissa habilement la bandoulière sur l'épaule.

"Vous m'avez fait peur. Venez, vous avez sûrement aussi faim que moi."

Il acquiesça avec un vague sourire. Son regard se reposa sur son violon.

"Je me change, et j'arrive" dit il d'une voix rêveuse.

[ereben]

Laloune sortit de la chambre en refermant doucement la porte, puis descendit. Il devait être tard dans la matinée. 10h30, estima-t-elle. La pendule derrière le bar lui donna raison à 10 minutes près à l'excès. Elle s'y présenta sans noter dans un premier temps la mine vicieuse du tavernier. Son visage content n'y était pas pour rien.

"Alors, vous avez bien profité de vos... 2 lits ?"

Elle préféra ne pas prendre en compte l'allégation. "Oui. Vous avez quoi pour petit déjeuner ?
- Lait tout frais de ce matin, pain, beurre, lard, quelques pommes, mais celles-là elles vous coûteront...
- D'accord... donc je prends de tout pour deux, sauf des pommes.
- Bien, madame" répondit-il, plutôt mécontent.

[Tyrael]

Cellion s'habilla en hâte et s'assit sur le lit défait. Il réfléchissait à la venue de cette fille. Et surtout, à la disparition d'Alkerion. Peut être l'avait il vu dans ses rêves de Talents. Cependant, il n'en gardait aucune trace dans sa mémoire, mais ca ne voulait rien dire. Celle ci devenait assez erratique depuis qu'il joué de ce violon.

Il se prit la tête dans les mains tout en se disant qu'il devrait replonger dans cette musique et trouver ce qui s'est réellement passé pour Kery. La peur et l'envie lui torturaient le ventre. Il fut sorti de ses pensées par l'ouverture de la porte de sa chambre, et Laloune qui entra.

"Oui, dit-elle devant l'apparente incompréhension de Cellion. Etant donnés les sous-entendus douteux et outrageants du genre d'idiots qu'il y a en bas, je préfère manger ici tranquillement... Même si ça les conforte dans leurs idées."

L'odeur de la nourriture lui raviva sa faim. Devant tant de nourriture, son estomac gargouilla. Il la regarda droit dans les yeux, avec un sourire au coin.

"Des idées ? Et quelles genre d'idées ?"

Il attendit qu'elle pose les aliments sur la table de chevet. Il enleva son violon, puis le posa sur la couette avec soin. Il aimait la rendre mal à l'aise.

[ereben]

"Des idées perverses, si vous voulez tout savoir. Si vous voulez aller leur raconter notre nuit si torride, allez donc discuter avec le patron, il sera ravi."

Contrariée, elle s'assit lourdement sur son lit, retira son épée et attendit, boudeuse, qu'il se serve en premier. Elle savait qu'elle était belle. Mais les réactions des hommes l'énervaient souvent quand ils trainaient sur ce terrain glissant et gênant.

Toute son attention revint aux aliments. Il se servit et mangea bien à sa faim. Puis dit, d'un ton moqueur.

"Il risque d'être jaloux. Je plaisantais, ne prenez pas mes sous entendus vaseux à cœur. Je n'ai guère eu la chance de parler avec une femme, ces temps ci, et j'en oublie mes manières. Servez vous."

Ce qu'elle fit.

[Tyrael]

Cellion prit un bout de pain, et laissa l'autre bout pour Laloune. Puis il étala le beurre dessus, et y ajouta du lard. Tout en se faisant, il regarda Laloune avec curiosité.

"Vous êtes loin de votre demeure, ici. Pourquoi vous êtes déplacé autant ?
- Quelle question... Pour le retrouver, évidement.
- Ce sont donc vos indices qui vous ont mené jusqu'ici. Quels sont-il ?
- En l'occurrence c'est plutôt le manque d'indices... J'ai été à la route des Anka. Je l'ai parcourue de long en large. Finalement, comme Lakilie n'est pas si éloignée, je suis venue ici ; il adorait cette ville.
- J'en ai aussi le souvenir, oui." Il souriait.

[ereben]

Ni l'un ni l'autre ne sachant quoi se dire, ils finirent de manger en silence. Cela fait, Laloune s'affala nonchalamment sur son lit, rassasiée. Au bout d'un moment, elle brisa le silence:

"Alors... vous allez m'aider...? Comment ?"

Allongé sur le lit, il prit le violon dans les mains, et le tendit bien haut avec un vague sourire.

"Avec ça !
- Oh, je vois..." répondit-elle, sceptique, après avoir vu ce qu'il brandissait.

Il se tourna vers elle, le violon toujours dans les mains.

"Vous en doutez ? demanda t'il simplement.
- Euh, oui." répondit-elle simplement
- Rah, aucune sympathie pour leur aïeux, ces gosses.
- Vous n'êtes pas assez vieux pour ça... itéra-t-elle.
- Encore pire. Grâce a cet instrument, je peux voir des scènes de la vie. Enfin, celles où la vie passe à la mort. Il me semble pas y voir votre père dedans, mais ma mémoire me fait souvent défaut, malheureusement.
- Vous voulez dire... que cet instrument vous... active un Talent ?
- En quelques sorte, oui. Disons qu'il me facilite l'activation de ce Talent. Mais ca reste un effort assez fatiguant. Enfin si cela peut vous aider, je le ferai."

[ereben]

"Eh bien euh... allez-y, alors. Qu'est-ce qu'on attend ?"

Il sembla visiblement gêné et dit d'une voix faiblarde et mal assurée :

"Je... Tu sais, c'est... Ah, je ne peux pas. Pas pour l'instant. Ca me donne comme une impression de... laisser aller. Un peu comme ci tu quittes un endroit chaud pour plonger dans un lac glacé. Enfin, pas vraiment. Et c'est désagréable, tu comprends ? Ca fait mal, trop mal, à chaque fois. Ce soir."

Pendant qu'il parlait, il tournait la tête en tout sens, vraiment mal à l'aise. Puis il regarda le sol avec un intérêt certain.

Elle comprit. "D'accord, ce soir... Mais on va pas rester ici à attendre, quand même..."

[Tyrael]

Il laissa son regard vagabondait et appréciait chaque courbe et ligne de son violon. La vue de cette objet mystérieux, si imprégné de puissance, lui donnait confiance en lui. Sans lever les yeux, il lui répondit distraitement.

"Là où vous croyez que Kery a disparu.
- La route des Anka est à 3 jours..."

Avec un vague sourire fatigué et usé, il leva son visage vers elle.

"Vous avez un peu d'argent à dépenser ?
- Je vous ai dit, j'ai pris sur la fortune de mon père. Il n'en a pas besoin pour le moment, moi si."

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