(7) Origines

[ereben]

Arrivés devant une maison en pierre - qui devait autrefois être relativement blanche - épargnée par les hostilités, Selene sembla plus heureuse que d'habitude. Elle s'arrêta devant l'allée et sourit. Soudain, une larme coula et elle mit sa main devant sa bouche.

Alkerion s'approcha d'elle et risqua un petit pique.

"Problème gastrique ?"

Elle rit et lui donna un coup de poing dans l'épaule, sachant pertinemment qu'il le sentirait à peine. Elle emprunta l'allée et s'arrêta devant une pierre disposant d'un creux à sa base. Y fouillant, avec sur le visage un mince espoir. Son visage, cependant, s'illumina lorsqu'elle sentit l'objet métallique convoité. Elle en sortit une clé rouillée. Alors elle se précipita vers la porte et l'ouvrit. D'un geste elle invita le reste du groupe. Alkerion suivit précédé d'Alonael supportant Tyrael. L'entrée était spacieuse avec les murs couverts de tapisseries bouffées et déchirée. La maison sentait le moisi et le renfermé. Cependant, elle donna à Alkerion un sentiment de sécurité et de confort. Ils entrèrent dans le salon Selene en tête. Celui ci devait être resplendissant à l'époque tellement les décorations et les tapisseries furent nombreuses. Maintenant, cela ressemblait à une chambre oubliée, abandonnée et ravagée par le temps. Des meubles dévorés par des mites, se butait contre les murs, leur contenu répandu par terre. La scène sembla attristé Selene. Alkerion détourna le regard et vit Tyrael encore endormit.

"Nous devrions allez nous reposer, nous somme tous fatigué par cette journée."

[ereben]

"Il y a des chambres au premier étage. Ne prenez pas les deux du fond."

Elle fit un rapide tour dans la maison.

Al n'était visiblement pas d'humeur à la sieste. Ayant doucement déposé Tyrael à terre au bas de l'escalier, il restait planté là au beau milieu du salon, sans trop savoir quoi faire, sans trop se poser la question. Quand Selene repassa dans la pièce, elle le vit et décida de s'approcher. Lui posant une main amicale sur le bras:

"Hey... je... pense que tu devrais te reposer avec les autres...
- Tu penses sérieusement que j'arriverai à dormir, maintenant ?
- Crois-moi... les drames ça fatigue...
- Oui mais ça n'endort pas..."

Elle ne sut quoi répondre. Il était apparemment dans la phase auto-flagellatrice... Même lui... Il devait vraiment, vraiment l'aimer.

"Ecoute, je... encore une fois, je suis désolée.
- Je sais. Tu n'as pas besoin de te répéter.
- Oui. Je sais ce que tu ressentir, crois-moi.
- Non, répondit-il avec un faux rire. Non, tu ne sais pas, tu ne sais sûrement pas.
- On ne va pas débattre là-dessus, Al, mais as-tu déjà scellé un destin pire qu'une mort...?"

Ses yeux s'humidifiaient. Comme il ne répondait pas:

"J'ai aussi perdu des gens. Je vis une guerre, Al, je pleure mes morts et mon innocence à chaque instant...
- Je sais.
- Vas dormir, Al.
- Je ne te promet rien..." dit-il en un soupir avant de se baisser pour ramasser Tyrael.

Arrivé à l'étage, Al ouvrit une porte. comme elle était verrouillée, il en déduisit que Kery l'avait déjà choisie. Il y en avait 6 dans ce couloir. Pas les deux du fond... Il se reporta sur la chambre d'en face. Se retrouvant dans une chambre douillette, sentant néanmoins le vieux, il s'avança vers le lit et y déposa calmement Tyrael. Puis il ressortit afin de se coucher lui-même. Dans la chambre adjacente, il s'assit sur le lit et prit sa tête dans ses main. J'ai tout perdu chez moi, je n'ai rien ici... Pourquoi je chercherais encore à repartir ? Sur ces pensées, il s'allongea sans convictions et... sommeilla immédiatement.

[Tyrael]

Alkerion n'eut pas la même chance qu'Alonaël. A peine endormit, qu'un rêve venait le déranger durant une bonne partie de la nuit. Laloune... La première fois qu'elle s'était trouvé face à la mort. Ce passage de sa vie l'avait toujours marqué, ses rêves en témoignaient. Et d'ailleurs, la fréquence de ceux-ci avait brusquement diminué en passant dans ce monde. Mais ce ne dura pas assez longtemps à son goût...

Ils arrivaient par dizaines dans la chambre. Laloune derrière lui, il avançait dans le couloir en fauchant tout ce qu'il pouvait. Mais il allait trop lentement, comme ci l'atmosphère de la pièce était une purée de pois. Les ennemis étaient sans visage, mais il fauchait, poussant toujours afin d'avoir une chance de sortir vivant de cette demeure. Puis Laloune vit la porte qu'il venait de dépasser sans même l'apercevoir, trop occupé à saisir les failles de l'ennemi, et de découper tout ce qui s'offrait à lui, avec une hargne quasi animale. Il aurait du entendre le grognement venu de l'intérieur, Laloune s'approchait de la porte et l'ouvrir. Mais il était toujours trop occupé par ce combat. Le temps qu'il comprenne et se retourne, il était trop tard. Un énorme colosse venait de se jeter sur sa fille et la jetait au sol avec un bruit sourd. L''épée s'abatit sur son épaule sans qu'il en sentit la moindre douleur. Il avait lâché son épée, courut vers le molosse avec l'énergie du désespoir. Mais dans ce rêve, il arrivait toujours trop tard. Le cou venait d'être arraché, le corps agité de soubresauts. Il hurla...

...Et se réveilla en sueur en hurlant toujours son prénom. Les draps étaient trempés. Sa main chercha la bougie à tâtons, et son regard chercha à comprendre où il était et surtout, ou était Laloune. Puis il se souvint lorsque sa main entra en contact avec la bougie. Selene. Avec un visage attristé, il se rallongea et regarda le plafond. Après plusieurs minutes, son rythme cardiaque descellera. Il se calmait... Et s'endormit.

[ereben]

Selene s'était endormie sur la banquette du salon. C'est ainsi que Al la trouva le lendemain matin très tôt. Il faisait encore partiellement nuit. Habituellement, il ne se réveillait pas avant les autres... Mais il n'avait toujours pas dormi cette nuit. Des cernes commençaient à se former sous ses yeux. Les deux nuits blanches en si peu de temps l'avaient vida, comme la révélation sur son fils.

Il trouva la cuisine et l'endroit où la nourriture était conservée avec le sel pour la garder comestible. Il y piocha de quoi petit-déjeuner et retourna au salon. Il s'assit lourdement dans un fauteuil en face du canapé.

Selene s'éveilla peu après. Très matinale, elle fut surprise de remarquer Al sur le fauteuil en train de l'attendre. "Al...? dit-elle d'une voix endormie. Tu n'es pas debout à cette heure-ci, normalement.
- Non... J'ai de nouveau lu toute la nuit... dit-il froidement. Le chapitre sur Meylion VII.
- Ah... Tu vas t'épuiser à dormir si peu...
- Tu es la fille de Meylion VII n'est-ce pas ?"

Prise au dépourvu, elle le regarda longtemps, tentant de trouver sur son visage ses impressions sur cette découverte. "Oui.
- Princesse Selene, quatrième du nom...
- Oui, il ne sont pas très originaux, aux sommets des clans...
- Au début ça m'a fait bizarre, puis je me suis demandé pourquoi une fille de Chef de clan partirait, abandonnerait son confort comme ça...
- Tu parles d'un confort... Je n'ai pas l'intention de vivre encore quoi que ce soit dans ce clan. Dans n'importe lequel d'ailleurs. C'est normal que ça semble suspect, une princesse qui s'exile, qui laisse toute richesse derrière... Mais je ne peux pas supporter ses méthodes, ses... mensonges, ses crimes, même... Je n'ai pas l'intention de participer à ça ; j'ai trop longtemps vu les effets de la guerre."

Elle fit une pause. "S'ils me retrouve, je suis morte... Et si vous m'aidez, je ne serai pas la seule...
- Donc, nous sommes en danger avec toi. En grand danger, en permanence... On aurait aimé... tu vois, avoir toutes les pièces du puzzle histoire de peser en âme et conscience le pour et le contre...
- Al, ne le prends pas mal, mais je serais en droit de m'indigner. Je vais t'expliquer pourquoi j'ai fait ce qu'il fallait, maintenant, et tu vas me dire si le pour ne valait pas le contre. Alkerion n'aurait jamais accepté d'être un esclave, il se serait rebellé, mais il se serait surement fait tuer. Tyrael n'a pas l'etoffe d'un Passeur, il ne leur aurait servi à rien ; même sort. Toi, même si je ne le savais pas, je l'avoue, tu végétais dans l'espoir qu'une faille s'ouvre à nouveau... maintenant tu sais tout, tu pourrais aller de l'avant. Je n'ai ruiné personne de mon plein gré, dans l'absolu, je n'ai rien à me reprocher.
- Tu as raison, c'est vrai. C'est juste que je n'aime pas être un pion.
- Non, tu préfères être une pierre ? Qu'aurais-tu fait à ma place ?"

Al ne répondit rien.

"Tu aurais fui, comme n'importe que personne intelligente avec des principes..." maugréa-t-elle.

[Tyrael]

"Je préfère, même si mon avis n'est pas nécessaire, être inscrit dans les légendes comme un homme assumant ce qu'il est et ce qu'il veut jusqu’à sa mort, que passer pour un couard, fuyant devant ses responsabilité."

D'humeur maussade, Alkerion partit directement dans la cuisine prendre sa part du déjeuner. Il avait mal dormit et son humeur allait en conséquence...

"Ton image est plus précieuse que ta vie, Kery... Soit tu est stupide, soit tu es de mauvaise foi." trancha-t-elle.

Il arracha un bout de viande violemment et le mâchonna tout en disant :

"C'est vous qui êtes stupide de vouloir placer votre vie avant votre image. Une vie ne dure qu'une génération, une légende dure des siècles. Si vous n'êtes pas capable d'assumer votre propre vie et votre sang... Je n'imagine même pas la suite.
- Rien n'est plus important que sa vie...
- Alors nous n'avons pas les mêmes point de vues. Sur ce, je vais aller réveiller l'autre qui doit encore rêver de sa tanche."

Il jeta son reste de viande dans la cuisine et remonta l'escalier vers les chambres.

"Ce n'est pas une question de point de vue" grommela Selene qui n'aimait pas de genre d'esquive.

Al était d'accord avec Selene sur les deux points. Il ne le manifesta pas.
En entendant ses grommellements, Alkerion s'arrêta net dans l'escalier. Il fulminait.

Diantre, mais elle veut toujours avoir raison !

"Alors de quoi est il question, je vous prie ?
- De logique, dit-elle. Se soucier de son image avant sa vie c'est comme se soucier... je sais pas, du jus avant le fruit, par exemple. Cela n'a aucun sens logique.
- Alors si un jour vous êtes confronté à un choix. Laisser mourir une personne jeune et chère à vos yeux, et vivre, ou l'inverse. Que choisirez vous ?
- Cela n'a rien à voire, Alkerion ; ne dévie pas, dit Al en voyant Selene excédée.
- Si justement, vous feriez passer votre vie avant tout. Vous ne penser qu'à votre survie, rien d'autre. Je trouve ça complètement absurde et lâche de fuir devant ses origines. Qu’importe ce qu’on fait vos ancêtres, vous devez respecter leur choix, pas les dénigrer et fuir pour tout oublier. Quoi que vous puissiez en dire, cela ne changera pas ma vision de vous. Vous restez des couards et des lâches.

[ereben]

Selene le laissa parler et préféra fuir ce débat plutôt que s'enfermer dans son insolvabilité (surtout étant donné le caractère buté de Kery).
Alkerion mit fin, donc, à se débat et reprit l'ascension de l'escalier. Il ouvrit la porte de la chambre de Tyrael, et le vit assit sur son lit, entrain de se frotter les yeux de sommeil. Il sourit.

"Et bien, je vois que notre débat à eu pour bon point de te réveiller. C'est déjà ca de gagner.
- Vous êtes obligé de faire des débats dés le matin...
- Pour mettre certaine chose au clair, oui."

A la surprise de Tyrael, Alkerion rentra, ramena une chaise poussiéreuse d'un coin de la pièce, souffla dessus en élevant un nuage suffoquant, et s'assit. Puis regarda Tyrael d'un air songeur.

"Qu'en penses tu de tout ça ? Nous t'avons rarement entendu ces temps ci."

[ereben]

"Pourquoi personne ne m'a parlé de ça, Selene ? Pourquoi je n'ai même pas entendu parler de cet enfant qui trainait avec vous ?
- Al...
- Non, non, pas de 'Al', c'était mon fils. Si tu m'as amené ici pour que je sache, alors pourquoi est-ce que je n'ai pas su ?"

Les mots ne sortirent pas tout de suite de la bouche de Selene.

[Tyrael]

A peine sortit de ses rêves, Tyrael eut du mal à enchaîner quelques idées que ce soit. Il tenta quand même, devant le risque d'énerver Alkerion.

"Euh... Bah, pas grand chose. On nous a amené ici pour être Passeur, on le devient, et on rentre à la maison. Pour moi c'est correct.
- Nous "deviendrons" Passeur, juste pour la faire fuir, rien de plus. Quand à notre voyage dans nos mondes respectifs, j'ai mon idée la dessus. Elle nous manipule. Tu sais que dans mon monde il y'a des démons. Y'en a dans le votre ?
- Euh, pas à ma connaissance."

Tyrael soupira intérieurement. Il avait faim, envie de dormir, et surtout pas envie de débattre dés le matin. Cependant, il acquiesça lorsqu'il le fallait, afin de pas vexer Alkerion.

[ereben]

"Ecoute... Je vais te dire exactement comment ça s'est déroulé. Peut-être que tu comprendras mieux."

Al acquiesça.

"C'etait le... 5... Ouais, le 5 août ; cela faisait donc environ 2 ans que, au cours de ma première phase de formation, j'ai reçu ordre d'ouvrir un Passage et de Convoquer la personne la plus apte. La personne la plus apte en l'occurrence...
- C'était mon fils...
- Non... C'était toi."

[Tyrael]

"...Et bien ils prennent l'apparence de jeune fille de son age. Tu vois, celles qui ont un air bien innocent : ce sont les pires. Nous ne devons avoir aucune confiance en elle. Nous devons fuir mon ami.
- Pardonnez moi ?
- Ou l'éliminer."

Tyrael ne dit plus un mot. Complètement réveillé, il en resté bouche bée.

[ereben]

"N'as-tu pas ressenti... cette... vague qui t'emportait vers le Passage ?
- Si...
- C'était censé te forcer à l'emprunter.
- Mais Eylis s'est precipité dedans...
- Oui."

[Tyrael]

"Alkerion, vous êtes complètement fou !
- Parle plus bas, imbécile ! Demain soir, je vais m'en occuper sérieusement.
- Et comment va t on faire pour rentrer ! Mais vous n'êtes pas complètement finit, mon vieux ! Vous voulez assassiner une pauvre jeune fille fuyant la guerre ! Qui est, de plus est,…
- Fille de Meylion, abruti !"

[ereben]

"Au bout de 2 ans, il était clair que jamais il ne digérerait sa nouvelle vie... On a décrété que c'était de ma faute. C'était ma faute, c'est vrai. Mais partant de là on m'a demandé de façon plus ou moins explicite de l'assassiner. C'était plus que je ne pouvais supporter. J'ai donc décidé de fuir le clan avec lui ; et j'ai pris Tyrael et Alkerion avec moi sans vraiment leur laisser le choix...
- Comment as-tu pu forcer Kery...?
- Pas par la force, évidemment. Je leur ai fait comprendre que le choix, ils ne l'avaient pas de toute façon. Visiblement, ils n'ont pas encore enregistré ça dans leur crânes d'œuf, ajouta-t-elle, contrariée. Deux jours après, on est arrivés au Site de Karakine."

[Tyrael]

Tyrael était visiblement dépassé par les événements. Il tenta de comprendre quoi que ce soit, mais souvent en vain.

"Et qu'est ce que peut faire qu'elle soit la fille d'un tel, ou d'un tel ?
- Son clan la recherche, ils vont tout mettre en oeuvre pour la retrouver et l'occire ! Et pour nous, évidemment, ce sera le même sort puisque dés le moment où on a mit un pas dans son monde, nous sommes devenus ses complices, sans même le savoir.
- Elle nos a donc trahi..."

Un déchirement naquit sur son visage. L'impression d'être tombé d"un nuage et se réceptionner sur le dur mur de la réalité. Alkerion souriait.

[ereben]

"C'est quoi, ça, Karakine ?
- Ben, on ne peut pas ouvrir un Passage n'importe où, il y a des Sites pré-aménagés pour les Passeurs. Et c'est au Site de Karakine que j'ai rouvert le passage vers ton monde. Alors, euh, on était tous les 4 sur le Site et... et je faisais ce qu'il fallait pour l'ouvrir. Tyr et Kery étaient très étonnés, évidemment, c'était la première fois. Ton fils, lui, était juste à côté de moi, il avait déjà vu ça 100 fois... Et quand le Passage s'est ouvert... en te voyant en transparence... Il s'est soudain... comme réveillé..."

Son ton commençait à devenir faible et dépressif.

"Et il a foncé vers... moi.
- Oui. Je lui ai crié 'Arrête !' mais il n'a pas voulu l'entendre. Il a plongé... Et j'ai hurlé... Je suis tombée à genoux au dessus de toi, évanoui à cause du choc du Passage Confronté..."

[Tyrael]

Tyrael ne dit plus un mot. Ses pensées fusaient, s'entrechoquaient, se mélangeaient. Dans sa tête, se fut un vrai capharnaüm. Alkerion parla tout seul, son esprit était totalement fermé à la discussion. Il tentait d'accepter l'effondrement de ses rêves. Au bout d'un certain temps de monologue, Alkerion se leva et posa sa main sur l'épaule de Tyr, afin de le consoler. Il ne bougea pas. Alkerion ne sut même pas s'il l'avait remarqué.

Alkerion quitta la chambre en silence.

[ereben]

"Je pense que... s'ils n'ont rien dit... c'est parce que Kery s'en fichait et que Tyrael ne voulait pas aborder ce sujet avec le père qui l'ignorait encore..."

Al, toujours si froid, alors que le jour s'intensifiait de minute en minutes, prit un temps pour répondre.

"Noble intention..." fit-il, sarcastique.

[Tyrael]

Alkerion n'osa pas descendre pour leur parler. Il bifurqua vers sa chambre et referma la porte derrière lui. Il se ficha devant la fenêtre et vit la ville encore dévasté. Il y'avait quelque taches au sol. Ca le faisait légèrement sourire. Puis les pensées de Laloune ressurgirent comme en réponse au sourire. Sans quitter le clocher des yeux, le regard fixe, ses yeux s'embuèrent. Il savait comment cette histoire allait finir. Rester bloqué ici et traqué par un clan sanguinaire. Cette pensée ne le dérangea pas plus que ça. Mais ici, son rôle de père n'avait plus de sens. Il laissait une jeune fille dans un autre monde, avec un abandon total. Il espéra qu'elle comprendrait qu'il faudra qu'elle se fasse une raison.

Un sillon se traça sur sa joue.

[ereben]

"Je te comprends, Selene, je t'ai toujours compris. Seulement, le point sur lequel je rejoins Alkerion c'est le côté partie d'échecs...
- Je...
- Je sais que tu avait besoin de nous. Et que tu ne pars pas d'une mauvaise intention. Mais c'est normal qu'on n'apprécie que moyennement. Les suspicions de Kery son légitimes. Moi je te fais confiance mais objectivement, je peux le comprendre.
- Oui."

Après un long silence: "J'ai faim." annonça Selene. Ce fut à ce moment que Tyrael descendit l'escalier sans mot dire. Il leva son regard pensif et absent sur les deux protagonistes. Resta le regard bovin fixé sur eux. Puis se détourna et vit la cuisine. Il y entra avec un pas nonchalant.

[ereben]

Selene le rejoignit. "Bonjour."

Il la regarda, l'oeil éteint. Au bout d'un moment, comme ci le souvenir des règles et usages de vie avait fait son chemin jusqu'a son cerveau, il hocha la tête. Puis se mit à la recherche de nourriture dans l'armoire ouverte.

"Kery t'a parlé." sut-elle avec certitude.

En prenant un morceaux au hasard, il hocha la tête lentement. Puis referma le placard pour s'appuyer dessus.

"J'espère qu'il ne m'a pas diabolisée... Je... je ne le mérite pas..."

Comme ce souvenant d'un détail qu'il ait pu oublier, il rouvrit la porte de l'armoire. Puis prit un morceau de lard, et le tendit derrière lui. Selene avait faim, crut il entendre.

Gênée, elle le prit et tout en restant en position: "Je... vais me changer..." Elle se dirigea vers les escaliers en mangeant son morceau de lard. Alkerion l'entendit se rendre dans la chambre adjacente à la sienne. Elle avait du entendre son cri... Enfin, qui ne l'avait pas entendu, il avait hurlé. Avec un soupir rageur, il sortit de sa chambre en se frottant brièvement le visage et descendit voir ses compagnons. Tyrael mangeait d'un air absent, encore un peu de temps et Alkerion le verrait comme un assisté catatonique. Alonaël, lui, était adossé à un meuble poussiéreux et le fixait dans les yeux. Alkerion soutint son regard.

"Elle n'a pas dit dans combien de temps nous devrions quitter ces lieux, il me semble.
- À mon avis, dit Al, on ne va pas tarder."

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